•  

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE


     

    Béranger Saunière ? Quel curé de campagne !

    Bon vivant, un pactole à ses pieds et trousseur de sa servante et à l’occasion, de la cantatrice du moment… Un épouvantail pour grenouille de bénitiers, bigots et intégristes.  Une salissure incontestable, mais incompréhensible, dans ce paysage religieux du XIXe siècle. Avait-il un esprit si affûté qu’il connaissait les dessous secrets de la religion, et ses dérives, au point de la moquer ?

    Depuis près d’un siècle il en a fait couler des fleuves d’encre de toutes les couleurs et les pages des brochures et livres écrits à son sujet s’accumulent. Un Himalaya ! N’en doutez pas, le mont sur laquelle est perché son village de Rennes le Château à son équivalent en tonnes de papier.

    En ce lieu, ou le mystère vous fait la nique, tout le monde observe et s’observe, tout le monde s’exprime tant bien que mal. En haut sur le piton il y a du monde au balcon pour crier « j’ai raison ! » ou « eurêka j’ai trouvé… » Aussi les librairies ne manquent pas pour vendre les chefs-d’œuvre du moment. C’est un vrai théâtre de boulevard qui fait chaud au cœur. Diantre ! Nous ne sommes pas dans le midi pour rien !

    La température du lieu varie en fonction des évènements, tantôt en ébullitions quand parait le livre mythique Da Vinci code et tantôt c’est l’explosion lorsque Bugarach, tout à côté est intronisé, par une bande de cinglés, haut lieu de la fin du monde. Et puis la pression retombe, tout se dégonfle, tout le monde souffle et tout le monde cherche encore sans discontinuer tandis qu’afflue du monde entier des bus bourrés de touristes en mal de mystères.

    Je ne me place pas en marge des barjos car pour chercher il faut être passionné et la passion est un grain de folie. Qu’elle s’adresse à une femme ou à une feuille de papier elle reste analogue à une poussée  hormonale qui vous comble de bonheur mais vous rend aveugle.

    A rennes-le-Château les chercheurs les plus assidus finissent souvent par devenir non-voyant par excès d’hormone, même si leur verve est toujours en action et ne se tarit jamais pour faire grandir, encore et encore, l’Himalaya de papier.

     

    Le porche de l’église du village m’a toujours intrigué par son grand triangle de céramique en flammes jaunes reproduisant le symbole du feu dans l’ancienne nomenclature chimique qui est restée celle des alchimistes.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Porche de l’église de Rennes le Château surmonté de son triangle de feu.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Symbole des quatre éléments selon la nomenclature De l’ancienne chimie et de l’alchimie.

    Le triangle du feu se superpose au

    Triangle jaune qui orne la toiture du porche.

    Evidemment cette seule particularité pourtant criarde, ne saurait permettre d’affirmer que notre curé fut alchimiste. Disons que cela m’a mis la puce à l’oreille sans pour cela trouver un fait significatif, un fait incontestable.

    J’ai donc attendu béatement, car je ne suis pas pressé, jusqu’au jour ou j’ai visité le petit musée, attenant à l’église, endroit quelque peu désert contenant des écrits, considérés sans grande valeur, de notre curé richissime. Il faut dire que dans ce village très particulier les textes originaux ou les objets significatifs sont soustrait du lieu par crainte qu’un hurluberlu plus intelligent que les autres découvre, grâce à eux, une piste du trésor. Alors on élimine jusqu’à transformer ce lieu payant en une visite saharienne pour gogos. C’est l’un des charmes du lieu ou personne ne cherche mais où tout le monde est à l’affut.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    La page du cahier de Béranger Saunière. On peut voir sa signature

    sous UNIVER SEL. Voir, ci-dessous, un agrandissement.

     

    En quittant cet étrange musée ma nuque se mit à vibrer. Signe qui m’est coutumier quand se présente quelque chose d’intéressant. Je ne levais pas la patte comme un chien à l’arrêt ou intéressé par la bas d’un lampadaire. Non. Je m’immobilisais, au garde-à-vous, comme tétanisé, devant une vitrine qui pouvait paraître sans grand intérêt puisque notre curé désœuvré s’était apparemment amusé à griffonner n’importe quoi sur deux pages d’un grand cahier comportant cependant la signature de notre abbé comme gage d’authenticité.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Le mot « univer sel » avec la signature de Saunière qui confirme que cette "faute" est revendiquée.

     

    Sur la page de gauche notre ecclésiastique s’était appliqué à parfaire ses pleins et ses déliés. A la plume d’oie il avait calligraphié, en gros caractères, le mot UNIVERSEL. Ce qui m’intrigua c’était la forme inusitée en deux mots distincts : « UNIVER » suivi plus loin de « SEL ».

    Le mot SEL est manifestement  mis en évidence par cette curieuse scission du mot UNIVERSEL. Chacun sait que le « sel[1] » est l’ingrédient le plus important de la pratique alchimique et de sa fameuse triade alchimique : soufre + mercure + sel, qui n’est pas sans rapport avec les fameux trois points des Francs Maçons. Comprenez donc pourquoi je remis sur le tapis l’interrogation suivant : Béranger Saunière était-il alchimiste ? Et la page de droite alla dans ce sens.

    Elle était ornée d’une grande fleur de lys noire (qui ne connait l’œuvre au noir des alchimistes ?) aux contours doublés d’un trait fin ; tandis que de son sommet une ligne verticale s’élevait pour aboutit à une étoile à six branches ou sceau de Salomon qui n’est autre, dans la nomenclature alchimique, que le symbole de la pierre philosophale. Ce n’était pas banal, et là je ne pouvais fermer les yeux.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE


    La fleur de lys noire surmontée d’une étoile symbole de la pierre philosophale.

     

    Généralement cette étoile à six branches n’est pas retenue comme significative en qualité de symbole alchimique car le sceau de Salomon est l’étoile des juifs, celle que les Nazis de la guerre de 39-45 faisaient coudre sur les vêtements des hébreux pour les reconnaitre et puis hélas les anéantir dans la cruauté la plus atroce.

    Une chose est incontestable : La fleur de lys est, en notre pays, Le symbole royal. Et tout le monde sait que notre turbulent curé était royaliste. Il manifestait son opinion tambour battant jusques en  chaire, ce qui lui valut d’être exilé, un temps, au séminaire de Narbonne.

    Cette fleur n’est-elle que la manifestation de son choix politique ? Peut-être, mais alors, pourquoi la couleur noire et son lien avec l’étoile qui est au-dessus, comme si l’un était lié à l’autre, si ce n’est pour affirmer la dimension alchimique de son dessein ?

    Comment ne pas faire le lien avec ce vitrail alchimique qui se trouvait près de la sacristie de l’ancienne église Saint-Jean à Rouen.

    « Ce vitrail figurait, nous dit Fulcanelli en son Mystère des cathédrales (les éditions étant multiple et paginées différemment… voir l’index à « Etoile et conception »), la conception de saint Romain.

    Son père, Benoit, conseiller de Clotaire II, et sa mère Félicité, étaient couchés dans un lit,  entièrement nus, selon l’usage qui dura jusqu’au milieu du XVIe siècle. La conception étant figurée par une étoile qui brillait sur la couverture en contact avec le ventre de la femme… »

    Il existe une voie alchimique, chère à Irénée Philalèthe et à Isaac Newton, qui fut pratiquée par Fulcanelli et qui est décrite abondement dans ses ouvrages Le mystère des Cathédrales et Les demeures philosophales, c’est la voie dite du régule étoilé. Le régule c’est l’étoile Regulus de la constellation du Lion. C’est l’une des quatre « étoiles royales » des Perses, il y a environ 5 000 ans, et qui  constitue aujourd'hui avec Arcturus  (constellation du Bouvier) et Spica (constellation de la Vierge) le triangle du printemps. Et chacun sait que le printemps est la date favorite des alchimistes pour commencer leurs travaux.

    Régule, Régulus… c’est toujours le petit roi, qui ne saurait être mieux représenté par une fleur de lys (seule, les multiples fleurs de lys sont pour le blason du roi). Quant à l’étoile conduisant à la pierre philosophale, et qui se manifeste à la surface du creuset, et donc au dessus de l’enfant roi (voir la citation précédente de la naissance de Saint Romain), elle ne saurait être mieux représentée par le sceau de Salomon symbole de la pierre philosophale.

    Cela m’a semblé des plus évident car notre curé, frais émoulu du séminaire, fut vicaire à Alet les bains, cet ancien évêché dont le curé, son supérieur, n’était autre qu’un érudit : l’abbé Lasserre lequel fut informé de bien des mystères, comme le montre sa brochure sur Notre-Dame de Marceille. Evidemment les archives de l’ancien évêché ne lui furent pas étrangères.

    Cet ancien évêché s’enorgueilli d’avoir eu à sa tête Mgr Nicolas Pavillon, ami de l’alchimiste Vincent Depaul (sic) dont on peut admirer les ostensoirs très particuliers. En effet leur habitacle recevant l’hostie n’est pas circulaire, comme à l’accoutumée, mais en forme d’hexagramme inscrivant un sceau de Salomon. Faut-il s’étonner si les vitraux de la cathédrale saint André sont en forme de sceau de Salomon ?

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Vitrail, en étoile, de l’église saint André, ancienne cathédrale de Mgr Nicolas Pavillon, d’Alet-les-bains.

     

    Cette étoile est omniprésente dans le Razès on la trouve aussi bien sculptée sur un avant solier d’une maison d’Alet-les-bain, à une centaine de mètres de la cathédrale, que dans l’église saint Martin de Limoux ou les vitraux sont aussi en forme d’étoile à six branches.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE


    Sceau de Salomon sur l’avant-solier d’une maison d’Alet-le-bains.

     

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Blason d’un évêque alchimiste à Limoux (église saint Martin)

    Soleil, lune et les trois corps dans le creuset.

    Evidemment là encore les historiens peuvent rétorques qu’il s’agit de là mise en évidence des racines judéo-chrétiennes de l’Eglise. Cette opinion étant battue en brèche par les égyptologues qui affirment que nous somme égypto-chrétiens. Béranger Saunière le savait-il ? Les vieilles habitudes encroutent, et tuent, tous ceux qui ne remettent jamais en cause les axiomes…

    Malgré ces correspondances troublantes, il manquait encore un élément flagrant pour confirmer que notre curé était alchimiste.

    Et cet élément je l’ai trouvé sous le porche de l’église. En fait il fallait s’y attendre si le beau triangle flamboyant avait, très réellement, un sens alchimique en signalant que l’église était la demeure d’un philosophe par le feu (nom donné aux alchimistes car leur feu est particulier et généralement tenu secret) il se devait donc d’y avoir, à cet endroit, des renseignements supplémentaires.

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Clé de voûte de la porte de l’église de Rennes le Château. Elle porte le blason

    Du pape Léon XIII avec sa devise Lumen in cœlo, lumière dans le ciel.

     

    L’anomalie qui se présente ici c’est la présence du blason d’un pape particulier alors qu’il devrait y avoir les armes génériques de la fonction, comme dans la cathédrale de Narbonne, ou se trouve uniquement la tiare et les clés de saint Pierre. Il est vrai que Léon XIII était membre de l’Académie des Arcade qui fleurait l’alchimie… Dans ce cas le blason est en adéquation avec le triangle de feu. Encore un clin d’œil ?

    La présence de la devise, qui n’a aucune raison d’être là si ce n’est pour spécifier quelque chose de précis, est vraiment mise en évidence. En d’autre terme elle est une clé (comme la clé de voute qui la supporte) pour saisir le message de notre curé.

    Je n’avais pas appréhendé complètement le sens de ces quelques mots latins jusqu’au jour où, en parcourant un petit ouvrage de l’alchimiste Grillot de Givry (1874-1929), je lu ce passage sur le feu alchimique, de son Grand Œuvre :

    « Il est l’influx astral, l’éclair cœligène jaillissant de la nue sur l’athanor. » p. 26, Editions Traditionnelles, 1978.

    L’athanor c’est le « fourneau » des alchimistes. Dans ce « fourneau » la pierre philosophale est en préparation. Mais le plus important n’est pas là. C’est cet « influx astral, cet éclair coeligène qui jaillit de la nue ». C’est le feu secret, et sacré, imagé  par le grand triangle jaune du porche qui pointe vers les cieux… LUMEN IN CŒLO  se superpose exactement à l’éclair cœligène (éclair généré par le ciel). Est-il nécessaire de poursuivre ?

    BÉRANGER SAUNIÈRE CURÉ ALCHIMISTE

    Cahier de Béranger Saunière représentant « l’éclair cœligène » descendant des nues universelles vers l’enfant royal représenté par la fleur de lys. Cette descente de l’esprit astral se superpose au triangle de feu jaune qui orne le porche de l’église.

     

    L’inscription qui court sur le cintre, au-dessus de la porte, confirme ce que dit le blason, en clé de voûte:

    « Hic domus Deil est et porta coeli. », ici est la maison de Dieu et la porte du ciel.

    Cette porte est, comme nous venons de le voir, une porte que « l’éclair cœligène » permet d’ouvrir pour entrer dans la maison de dieu. Nous avons là toute la transcendance de l’alchimie. C’est entrer dans le sacré, dans la maison de Dieu. Ceux qui ne sont pas prêts, et tripatouillent au laboratoire, ne peuvent que rencontrer le diable derrière la porte que l’on ne peut vaincre que par le signe de croix, c’est-à-dire le creuset[2]… Belle leçon de Béranger qui, à n’en pas douter, fraternisait avec l’athanor.

    Y a-t-il de l’or ? Peut être bien que oui, peut-être bien que non ! mais quand est découverte la puissance astrale l’or pâlit, s’estompe et disparaît, au profit de la bonté et de la vérité.

    Avec toute mon amitié.

     

     


    [1] Le sel alchimique n’est par le chlorure de sodium utilisé pour la cuisine. La seule analogie avec le contenu d’une salière est la couleur blanche de la substance cristallisée.

    [2] Le mot creuset provient de croix car dans la basse latinité, crucibulum, creuset, a pour racine crux, crucis, croix.

    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks

    votre commentaire
  • L’IMPOSTURE d’OSWALD Franc-maçon.

    Vous n’ignorez pas, depuis longtemps déjà, que même si mes propos sont parfois acerbes, je ne suis pas un démolisseur de la Franc-maçonnerie car je la respecte. Elle mérite cette considération puisqu'elle a longtemps été le vecteur d’une tradition fondamentale qui fut initiatique dans tout les sens du terme.

    J’entends par initiatique, au sein de la maçonnerie ou de toute autre fraternité, l’indispensable cérémonie symbolique d’imposition d’un grade, ou de toute autre chose. J’entends surtout et essentiellement une formation mystique individuelle solide correspondant aux valeurs intrinsèques et ésotériques qui caractérisent la fraternité ou une pratique ancestrale comme l’alchimie.

    Cela sous entend que la maçonnerie est d’abord et surtout une école dispensant une véritable formation structurée aux néophytes. Ces néophytes que l’on appelle  « bleus » ; la bleusaille « faisait ses classes » pendant trois ans… N’était pas maître le premier qui bousculait l’autre au portillon ou qui déclamait un discours mémorable, mais celui qui avait fait ses preuves dans sa manière de vivre et devant un jury de trois sages.

    En disant cela je n’invente rien car de tout temps comme à Eleusis ou à Delphes les écoles initiatiques ont toujours fonctionnées de la même manière. En d’autres termes s’il n’y à pas de formation individuelle de la bleusaille, la fraternité est bidon.

    Je n’ignore pas que l’enseignement d’un néophyte s’est progressivement effiloché au fil des décennies. Seul subsiste actuellement quelques vestiges  comme celui d’un exposé, appelé planche, qui permet un échange de connaissances théoriques et surtout un contact avec la société dans ses avancées diverses. Quant à l’étude des symboles elle a perdu progressivement son sens sous la pression d’individus, s’imposant en référence, tel qu’Oswal Writh.

    Oswald Wirth (1860-1943) était sincère dans son désir de réforme de la franc-maçonnerie qui en avait bien besoin et en a encore besoin. Mais son louable élan ou son exaltation, soutenant une spiritualité biaisée, lui a fait dépasser certaines limites. En voulant prouver coute que coute le bien fondé de sa démarche il est devenu arbitraire. Le résultat en est une distorsion de la vérité pour accréditer à tout prix son opinion anti-alchimique de la pratique au laboratoire.

    Oswald à voulu démontrer mordicus que l’alchimie est UNIQUEMENT spirituelle.

    Je dis bien que l‘opinion d’Oswald est anti-alchimique pourtant elle est spirituelle. Cette opinion ne peut qu’être anti-alchimique car l’alchimie n’est pas uniquement spirituelle tout comme elle n’est pas uniquement un travail de laboratoire ou une introspection psychologique.

    L’alchimie est tout à la fois : spirituelle ET concrète au laboratoire ET symbolique & cabalistique. Si on lui attribue un seul de ces aspecte seulement, il ne s’agit plus d’alchimie, et cela quelle que soit la terminologie employée pour la désigner.

    Oswald Wirth évolue donc dans le domaine d’une « alchimie » spirituelle qui n’est donc pas de l’alchimie. Pour ce faire il va commenter une reproduction de la gravure du fameux REBIS du moine alchimiste Basile Valentin (in La symbolique hermétique p.99. Editions Dervy-livre. 1969.) qu’il affirme avoir reproduite fidèlement:

    « Comme on peut en juger par la copie que nous donnons ci-dessous de la gravure sur bois originale… »

    Curieuse copie fidèle « à la gravure sur bois originale » qui est signée, en bas, des initiales, de l’auteur, OW superposée. Cette reproduction n’est pas fidèle comme le montre ci-dessous (à droite) la reproduction de la FIGVRA  XCVIII (48) du Viridarium chimicum (1624) de Daniel Stolcius, réplique fidèle et incontestable à l’original publiée par Basile Valentin.

            

               Reproduction d’O. Writh                                                                                                Original de B. Valentin.

    Etrange cette boule volante n’est pas sans rappeler le disque solaire de certains pharaons. De cette boule Oswald Whirh ne dit rien alors qu’elle est la représentation graphique des quatre premiers nombres triangulaires que Pythagore appelait Tétraktys.

    Ne peut-on lire leur série: 1, 2, 3 et 4.

    Le 1 et le 2 représentent les deux branches de la croix centrale, le 3 un triangle avec ses trois côtés et le 4 un carré avec ses quatre côtés. Ces figures émanent du même centre.

    Je ne vous ferais pas l’injure de vous rappeler ce que signifie la boule en argot (ou cabale) soulignant par là que tout se déroule dans notre tête, autant la compréhension spirituelle que la pratique de l’alchimie au laboratoire.

    Cette série 1, 2, 3 et  4 est un classique de l’alchimie.

    .

    .     .

    .     .     .

    .     .     .     .

    La Tétracktys de Pythagore ou les quatre premiers nombres triangulaires reproduisant le triangle symbole alchimique du feu.

     

    Le 1 est la matière première, un minerai.

    Le 2 est la structure binaire de ce minerai constitué de soufre et de mercure.

    Le 3 est l’adjonction d’une troisième substance ou sel constituant ainsi la fameuse triade alchimique : sel, soufre et mercure.

    Le 4 représente les quatre éléments issus du sel qui permet la volatilisation de la pierre ou sphère. Telle est la raison de la présence d’ailes issues des angles du carré ou quatre éléments.

    C’est donc sur cette boule volante que tout repose, boule que l’alchimiste Roger Caro appelle granule et Fulcanelli bille. Elle a la particularité de se former en l’air répondant ainsi à l’affirmation du texte de la Table d’Emeraude d’Hermès Trismégistes disant : « le vent la porté dans son ventre ».

    C’est pourquoi l’alchimiste et chanoine anglais Georges Ripley, du XVe siècle, écrit en ses douze portes : « Notre enfant doit naître en l’air c’est-à-dire dans le ventre du vent. »

    Bon je n’insiste pas car les références autant scripturales qu’iconographiques ne manquent pas.

    Une signification aussi évidente que l’alchimie spirituelle commence par la tête (boule) a pu échapper à Oswal Writh reste surprenant.

    La « tête » doit être « ventilée » pour accéder au silence et donc à la mystique dont l’étymologie repose sur le mot muet.

    En effet, l’étymologie révèle le sens du terme mystique (mystès) datant du XIVe siècle ; qui désigne l’initié aux valeurs divines. Cette connaissance sur l’absolu étant ésotériques, l’adepte est tenu, de ce fait, de garder le silence à leur propos. Muein ou Myrein, signifie « fermer », « être fermé », « fermer les yeux » aussi bien que « la bouche ». Selon Plotin, le mystique a les yeux fermés. Il voit donc, dans le silence intérieur, avec les yeux de l’âme, alors que les yeux physiques sont clos. Le verbe grec myô (qui donna mystikos) veut dire en effet aussi bien « fermer les yeux » que « la bouche ». Myô est formé par l’onomatopée mu, qui symbolise un son inarticulé que l’on retrouve dans le mot « muet ».

    Cette dimension échappe complètement au bavardage spiritualo-spéculatif d’Oswald alors qu’elle est le fondement de toutes spiritualités, comme elle est le fondement symbolique de cette gravure.

    Le dragon qui est sur la boule crache du feu. Autant dire que le feu alchimique est ici un feu naturel ou résultant d’une réaction chimique exothermique. C’est cette chaleur qui va permettre d’élaborer le sang du dragon ou quintessence. C’est pour cela que le dragon est sur la boule car, en quelques sortes, il fait suite au quaternaire (le carré) qui est sous son ventre pour devenir le cinq ou quintessence.

    Ce feu du dragon et la quintessence vont permettre d’élaborer le corps double ou REBIS qui est la future pierre philosophale.

    Cependant l’élément essentiel pour réaliser ce REBIS est le mercure céleste dont les vibrations sont nécessaires. Telles est la raison pour laquelle cette étoile sommitale rayonne des ondulations marquant par la l’importance du phénomène vibratoire dans la « soudure » du REBIS.

    Détail de la gravure de Basile Valeuntin.

    C’est là que nous voyons combien Oswal With à transformé les choses puisque à la place de l’étoile à six branches il a dessiné une étoile à cinq branches afin de placer un laïus d’une page sur une étoile du microcosme qui n’a pas sa place ici.

    Détail de la gravure frelatée par O. Wirth.

    C’est ainsi qu’il développe une spiritualité moralisante qui ressemble à s’y méprendre aux conseils que l’on trouve dans les vieux missels disant péremptoirement : « mettez-vous en présence de Dieu ». Evidemment les prêtres se gardent de vous dire comment il faut faire.

    Je ne perds pas de vue qu’Oswald est d’une époque qui avait besoins de cette dimension particulière et superficielle de la spiritualité. Je ne blâme donc pas cet aspect de son ouvrage. Ce que je lui reproche c’est d’avoir sciemment transformé la gravure de Basie Valentin pour tenter de faire confondre ses désirs avec la réalité.

    Le fait d’avoir transformé une étoile à six branches, ou sceau de Salomon (sel du mont ou des hauteurs), en une étoile à cinq branches détruit le symbolisme alchimique de la gravure. En plus la disparition des vibrations ondulatoires qui rayonnent de cet astre sommital lui enlève toute la dimension ésotérique fondamentale.

    En effet, les vibrations célestes en questions, ou mercure universel, sont essentielles à l’alchimiste autant pour son oratoire que pour son laboratoire.

    La gravure montre que ces vibrations sont inséparables des deux luminaires : le soleil et la lune. En effet le soleil, et plus particulièrement la lune irradient ce genre de vibration qu’il ne faut pas confondre avec la lumière polarisée. Telle est la raison pour laquelle Basile Valentin a souligné cet aspect de la lune croissante en doublant le trait de la concavité du croissant lunaire.

    Oswald Wirth, toujours polarisé par son interprétation, univoque, ne représente pas cette particularité fondamentale. Pour lui, obnubilé pas son unique spiritualité verbale, ce détail de la gravure est secondaire et n’a pas de sens.

    Voici un exemple de la prose d’Oswald :

    « L’adepte ne peut réaliser le Rebis qu’après avoir dominé les attractions élémentaires. Tout ce qu’il y a en lui d’inférieur, de brutal et de bassement instinctif doit être dompté, avant qu’il lui soit permis d’attirer le feu du ciel pour se l’incorporer. » p. 99, in Le symbolisme hermétique.

    Voila des belles généralités qui ne sont que des mots dont la ressemblance avec l’homélie d’un curé est des plus remarquables.

    L’adepte dira plus simplement d’être honnête et de se garder étroitement de faire souffrir qui que ce soit. Mais encore pour parvenir à cela faut-il prendre conscience de soi. Cette aptitude passe non pas par une psychanalyse mais par une formation aboutissant à un éveil.

    En comparant ces deux gravures on distingue immédiatement qu’Oswald a voulu mettre en évidence l’équerre et le compas. Ce faisant il leur a donné une dimension que ces deux outils n’ont pas. Une telle disproportion ne pouvait qu’engendrer une erreur.

    Ainsi la grandeur exagérée du compas fait que sa pointe, dans la gravure d’Oswald Wirth, est au dessous de l’étoile renfermant le symbole de mars. En réalité la pointe du compas est sur la pointe de flèche du symbole martien.

    Mars représente le fer. Le fait que la pointe du compas soit sur la pointe de la flèche de mars signifie qu’il faut utiliser des pointes ou des clous de fer car Mars correspond au fer.  

                                                                                                                                                                                        .                                                                Oswald Writh                                                                      Basile Valentin

    C’est la particularité de la voie dite du « régule étoilé » dans laquelle le fer est nécessaire :

    « Faite rougir, dit Philalèthe en sa préparation de l’antimoine martial, en un creuset 250g de pointe de clou de maréchal, et quand vous croyez qu’ils veulent fondre, jetez dans le creuset 15g d’antimoine… »

    La correspondance de la pointe du compas avec la pointe de la flèche de Mars est donc significative et ne pouvais qu’être ignorée par Oswald Wirth désireux d’accréditer ses idées sur une « alchimie » spirituelle spéculative.

    Le bras gauche du REBIS tient une équerre. Face à l’équerre est une étoile renfermant le symbole de Jupiter. Oswalt a omis de représenter une branche de cette étoile soulignée en traits gras et donc mise en évidence à dessein par Basile Valentin.

                    B. Valentin                         O. Writh 

    Cette étoile est à côté de l’équerre. Le mot équerre est significatif puisqu’il vient du latin quadrare, « rendre carré », il désigne donc un carré lié à  Jupiter contenu dans l’étoile tout à côté de l’équerre. Paracelse en son Archidoxe magique signale que chaque planète du système solaire est associée à un carré magique. Chaque carré ayant un nombre de cases définies. Ainsi le carré de Saturne a 9 cases, celui de Jupiter en compte 16, celui de mars est pourvu de  25 cases, celui de soleil 36, vénus 49, mercure 64 et la lune 81.

    Evidemment l’équerre met en évidence le carré magique de Jupiter. C’est le seul carré de 4 cases de côté. Il signale que la clé temporelle de l’alchimie du cinabre qui permet de fabriquer, ou « équarrir », la pierre philosophale est un multiple de 4. En effet, Solve dure 8 mois philosophiques et Coagula 16.

    Les mois philosophiques sont des mois symboliques liés à la lunaison. Chaque chercheur doit découvrir, par ses propres moyens, la durée réelle de ce « mois » particulier. En alchimie l’étudiant doit découvrit lui-même les différentes étapes de la fabrication d’une pierre philosophale. L’accompagnateur se limite à confirmer quand l’étudiant est sur la bonne voie.

    Nous sommes donc loin des cours professés et des stages de formation. Quoi qu’il en soit, à moins d’être une arnaque, l’alchimie ne saurait s’intégrer à des cours pour expliquer ce qu’est cette pratique ou encore faire partie d’une formation style « développement personnel ».

    Aussi certains qui s’imaginaient pourvoir apprendre l’alchimie auprès d’un maître discoureur sont déçus car généralement leur motivation n’est pas suffisante pour affronter un travail de recherche.

    Les vieux maîtres ont souvent mélangé les voies alchimiques dans un même symbole. Evidemment cela ne facilite pas la tache des chercheurs et les font pester, parfois avec raison, car certains alchimistes ajoutent à la confusion en créant de fausses pistes (on dit qu’ils sont « envieux »). Le but recherché est d’éloigner les curieux et superficiels, les impatients, les non motivés et ceux qui s’imaginent tout savoir.

    Revenons à notre gravure de Basile Valentin.

    Toutes les étoiles de la gravure sont des étoiles à six branches qui représentent, dans la symbolique alchimique et la nomenclature de l’ancienne chimie, une structure radiées apparaissant à l’occasion de certaines manipulations au laboratoire. Ce signe caractérise ce que les adeptes appellent la voie du régulé étoilé. Voie chère à Newton, à Fulcanelli et à Béranger Saunière le célèbre curé de Rennes le Château (Aude)… Et de  bien d’autres encore.

    L’étoile est la marque canonique de la réussite du grand œuvre. Elle doit se manifester plusieurs fois à la surface du creuset. Tel est le sens des quatre étoiles contenant le symbole de Mars, de Vénus de Jupiter et de Saturne. Ces réitérations sont les conditions sine qua non de la réussite de l’œuf alchimique qui est représenté par la forme ovoïde générale de la gravure.

    Qu’Oswald repose en paix dans son orient éternel.

    Avec toute mon amitié.

     

     

    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks

    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires