• IMMORTELS

     

     

    La mort ? C'est quoi ce truc ?

    Le titre de cet article est le plagiat de celui d’une série de livres best-seller d’Alyson Noël qui alimente les rayons fantastiques de nos libraires depuis 2009. Ce numéro 1 des ventes dans le monde entier (comme l’affirme le rabat de l’ouvrage) a retenu mon attention à plusieurs titres.

    N’étant pas critique littéraire et encore moins romancier, la dimension structurelle de cette saga ne saurait être analysée par mes soins si ce n’est pour reconnaître, comme beaucoup de lecteurs, que le sujet enflamme l’imagination de beaucoup et que l’intrigue est suffisamment bien menée pour maintenir le lecteur en haleine.

    Évidemment, nous avons aussi un revers de la médaille lié à l’incompréhension profonde de ce qu’est l’immortalité pour la raison évidente que l’auteure n’a fait que rassembler les divers ragots qui traînent sur l’ésotérisme sans mesurer combien elle en donnait une image fausse qui ne fait qu’alimenter l’imaginaire de tout un chacun et transforme en image d’Épinal cette science sacrée qu’est l’alchimie.

    Non je ne mets pas en doute la bonne volonté d’Alyson, mais son manque de documentation flagrant qui aurait pu lui faire rédiger un roman encore plus fantastique si elle avait essayé d’approfondir son sujet.

    Mais le reproche le plus fondamental est celui d’avoir calomnié l’alchimie par ignorance alors que les États-Unis ne manquent pas de spécialiste sur cette question qui aurait pu l’éclairer (comme fut éclairé Van Vogt et bien d’autres) et lui éviter de ramener l’alchimie à ses lieux communs que sont la transmutation des métaux en or et la fabrication d’un élixir d’immortalité qui est ici caricaturé par un véritable… biberon !

    Mais cette conception assez simpliste ne concerne pas que l’alchimie, il en est de même pour la couleur des auras qui entoure chaque être vivant. Dès la première page de l’ouvrage, nous trouvons une liste des couleurs des auras avec leurs significations.  Ainsi, par exemple, la couleur verte signifie que l’individu est calme, mais est trompeur et jaloux, tandis que  le rose est signe d’amour, de sincérité et d’amitié, bref j’en passe car notre catalogue universellement admis se poursuit. Je vous préviens tout de suite, si vous avez rencontré cette nomenclature à diverses reprises, cela ne l’empêche nullement d’être complètement erronée ! Car là encore notre auteure ne s’est pas sérieusement documentée.

    La perception de la couleur d’une aura n’est pas la même pour chacun de nous. Ce que je vois vert, Alisson    peut le voir rouge et Christina violet. Pourquoi ? Parce que chaque individu est différent non seulement par sa morphologie mais aussi par ses « mécanismes » physiologique tout comme chacun possède une capacité respiratoire particulière il possède une manière de voir qui l’est aussi puisqu’il existe des daltoniens.

    L’aire occipitale visuelle de notre cerveau est entourée par une zone psycho visuelle qui permet de comprendre ce que l’on voit. Grosso modo, ce n’est donc pas de l’aire visuelle habituelle (où aboutissent nos nerfs optiques) que provient la vision d’une aura mais de l’aire psycho visuelle et c’est elle qui va colorer psychiquement les rayonnements. Cette coloration sera le reflet de notre physiologie tout entière.

    Alors, de grâce arrêtons ces nomenclatures d’occultiste. Si un jour vous voyez les auras, cherchez vous-même le sens des couleurs que vous discernez, ce sera beaucoup plus sérieux !

     

    L’immortalité a son prélude qui n’est autre que l’initiation dans le sens psychologique, spirituel et mystique. Ce prélude initiatique est la conquête de l’éveil menant à la liberté. Quand ce prélude est acquis, nous sommes aux portes du temple et l’alchimie peut alors déverser sur l’adepte sa corne d’abondance pour en faire un Adepte (avec un A majuscule en initiale) dans le sens plein du terme de celui qui jouit d’une triple félicité : connaissance, santé, richesse… 

    Ne rêvons pas et commençons donc par le commencement, là où se trouve « l’homme de la rue » dans ses misères journalières… 

    Que l’immortalité existe ou pas là n’est pas la question.  Les alchimistes y croyaient voici ce qu’en dit Salmon en sa bibliothèque des Philosophes chimiques :

     

    « Nous ne saurions entrer dans ce riche jardin des Hespéride pour y voir ce bel arbre d’or et en cueillir les fruits si précieux qu’après avoir défait le dragon qui veille toujours et en défend l’entrée. Nous ne pouvons enfin aller à la conquête de cette toison d’or que par les agitations et par les écueils de cette mer inconnue en passant entre les rochers qui se choquent et se combattent, et après avoir surmonté les monstres épouvantables qui nous gardent. »

     

    Telle est la traduction concernant l’alchimie interne inséparable de celle du laboratoire. 

    Voilà donc un programme facilement compréhensible si l’on entend par « agitation » notre propre agitation qui sont des « écueils » en passant par nos « conflit à combattre »… après avoir surmonté les monstres qui nous gardent ! Et oui il y a plusieurs monstres à vaincre. Ma vénérable concierge, cuisinière émérite, dirait en sa sagesse gouailleuse  éprise de raccourcis : « C’est pas de la tarte ». 

    Ne croyez surtout pas que je vais m’embarquer dans un système psychologisant, ce n’est pas mon tempérament (je suis un inachevé un peu béotien) et je n’ai pas l’intention de vous fatiguer en essayant de comprendre un puzzle psychologique plus ou moins séduisant et surtout plus ou moins lié au vrai. 

    Abordons donc le cœur du sujet qui s’avère en étroite harmonie avec mon livre Holoscopie de la spiritualité occidentale. 

    L’immortalité n’est, pour la plupart des hommes, qu’un espoir, un remède à la terreur qu’ils éprouvent à la pensée d’un anéantissement total. 

    Notre bon Lafontaine a su immortaliser l’angoisse de Louis XIV vieillissant dans sa fable Le lion le loup et le renard: 

    « Un lion décrépis, goutteux n’en pouvant plus voulait que l’on trouva remède à la vieillesse… » 

    Non ! ne croyez surtout pas que je vais vous apporter, au sujet de l’immortalité, des assurances solennelles, autoritaires et surtout fallacieuses sorties de « derrière les fagots » (sic, c.f. ma concierge).  Je n’ai aucune prétendue certitude, à l’évidence marécageuse, à vous offrir. 

    Je ne vais donc pas jouer au gourou ou au sage philosophe pour tenter de vous « monter le bourrichon » (re sic toujours ma concierge) en vous assénant avec la dernière vigueur, des trucs un peu déjantés qui se réduiraient à des articles de foi passionnant, à des affirmation invérifiables qui exaltent la baudruche mais ne peuvent éclairer. Je vous dis cela en connaissance de cause car j’en ai entendu des allumés ! 

    Certes je ne suis ni rationaliste ni néo-cartésien mais ne poussons pas le bouchon trop loin, restons dans les limites de la clarté et du vrai. 

    En résumé l’immortalité existe mais n’est point celle que vous croyez, ni celle que votre curé vous a insufflée au catéchisme si éloigné de celle des premiers chrétiens. 

    Je vous propose, non pas une réponse  qui se voudrait décisive au problème de l’immortalité, tel qu’on le pose communément et inconsidérément mais d’une manière alchimique et donc initiatique du terme. De ce fait cela paraîtra insolite et neuf à ceux qui ignorent ce que sont l’initiation et l’alchimie dans leurs substructures spirituelles. 

    Donc, je ne vous dirais pas que l’immoralité telle que vous l’entendez, l’imaginez ou la rêvez, existe ou n’existe pas. C’est à vous de découvrir cela. 

    Je l’aborderais en fonction du temps, c’est-à-dire de notre expérience courante du temps dans lequel s’inscrit notre naissance et notre mort, nos attentes et regrets. L’immortalité désigne un état et une prise de conscience et non une affirmation intellectuelle destinée à dissimuler, à tranquilliser une angoisse profonde… 

    Non je ne joue pas sur les mots en disant que le vécu, au moment où vous lisez ces mots, a un goût d’éternité. 

    Les chrétiens non instruits des vues théologiques ou mystiques plus profondes, ce qui est souvent le cas puisque l’ignorance est savamment entretenue, confondent volontiers éternité et survie. Pour eux l’éternité leur vie, indéfiniment prolongée. Ils sont attachés à l’aspect durée de cette « éternité ». Ils veulent faire de cette éternité une continuité d’eux-mêmes, de la conception qu’ils se font d’eux-mêmes. 

    Voilà l’erreur car la continuité est une garantie de déclin. Elle ne peut donc entrer dans l’éternité. Faire « comme avant » où « comme d’habitude » nous enferme dans le fameux « couloir de la mort ». C’est une expression carcérale et mortelle. 

    En effet, qu’arrive-t-il à quelque chose qui continue ? Il s’use, il tombe en ruine et devient une routine. Oui la continuité est une garantie de dégradation, d’entropie généralisée. J’en sais quelques choses avec ceux qui m’entourent et veulent à tout prix pérenniser une seule manière de pratiquer et de comprendre la spiritualité et l’alchimie. Au point de devenir non pas des sans culottes mais des culottes à l’envers puisqu’il ne s’agit pas d’une révolution mais d’une antirévolution… C’est souvent le drame des traditionalistes, de tous ceux qui se rattachent compulsivement à un maître « canonisé » et statufié oubliant que tradition rime essentiellement avec libération et évolution. 

    Tel est l’art de trahir un maître… car les fondements qu’il a posés s’avèrent de la plus désolante inutilité puisque son œuvre n’est plus extrapolée et enrichie. C’est ainsi que nos traditionalistes meurent, par suffisance, aux portes du futur. Ils s’enfoncent dans le marécage de leurs désirs ronronnants. 

    Roue sans fin qui est celle de l’éternel retour, celle qui nous fera éternellement recommencer ce que nous avons fait en un cycle infernal de « réincarnations » qui ne nous fera point avancer. 

    Le futur étant le reflet d’un passé défunt. Cela me rappelle le titre d’un ouvrage à connotation politique qui ne nous intéresse pas ici : La France aux ordres d’un cadavre. Le cadavre en question étant ici le défunt communisme qui continue, au-delà de sa tombe, d’animer l’action de certains syndicats ouvriers. 

    Il est remarquable que l’éternité n’apparaisse pas seulement comme une continuité mais encore comme une éternelle jeunesse. Mais, précisément, ce qui caractérise psychologiquement la jeunesse, proprement dite (comme, du reste cette autre forme de jeunesse qu’est l’amour), c’est son merveilleux pouvoir de renouvellement. 

    La conception commune de l’immortalité est contradictoire, parce que là où existe une soif impérieuse de continuité, il ne peut y avoir de renouvellement et fraîcheur. Notre vie ne peut être à la foi, une répétition d’elle-même et un perpétuel renouveau. Vouloir persévérer dans l’identique, et vouloir se RECREÉR sont deux exigeantes incompatibles. 

      

    En voulant la continuité d’une idée, d’un effort, nous appelons sur nous l’accablement du temps, nous nous jetons dans les griffes de la fatigue, de la discorde et de l’ennui… et de la mort comme le dit l’expression : « mortellement ennuyeux ! » nous sommes donc aux antipodes de l’immortalité. 

    Face à cet ennui mortel nous prend un désir de fraîcheur, de renouveau, de plénitude, mais surtout nous ne voulons pas mourir à nos ambitions, à nos projets. Nous ne voulons pas renoncer à faire le bilan de notre vie le total de nos expériences et acquisitions. Or nous ne pouvons consentir à cette mort. Nous n’en avons pas l‘audace. Nous voulons prolonger, poursuivre, ajouter aux résultats d’hier les résultats d’aujourd’hui. Nous sommes attachés à nos œuvres. 

    Vanité ! Comprenez-vous pourquoi autant la tradition Occidentale qu’Orientale prônent le détachement comme voie de renouvellement ? 

    Nous ne voulons pas renoncer aux fruits des efforts et ignorer le passé, admettre que nos poursuites anciennes furent des égarements. Nous ne voulons pas nous dédire, nous renier. Nous avons peur de perdre notre définition. 

    En cela l’Église catholique, qui ne se dédie jamais même dans l’erreur et perpétue la même idéologie sous différentes défroques, est une parfaite illustration et nous montre donc un chemin qu’il est préférable de ne pas suivre si nous voulons progresser. 

    Cette opinion vis-à-vis de l’Église n’enlève rien à la magnifique valeur du christianisme véritable. 

    Or, si nous ne voulons pas mourir d’abord, comment pourrions-nous renaître ? Comment chaque moment pourrait-il nous apparaître frais et neuf si nous le condamnons à servir les intentions du passé, si nous l’enchaînons à des moments révolus ? 

    En conséquence, une éternité de fraîcheur et de jeunesse ne saurait être une éternité de continuité. 

    Enfin, l’éternité n’est autre que l’absence de temps ! 

    L’éternité, indissociable de l’immortalité, ne peut se concilier avec cette continuité voulue et préméditée qui est nécessairement enlisée dans le temps. Elle ne saurait non plus apparaître comme un prolongement indéfini. Ce qui se prolonge indéfiniment ou non c’est une durée. L’ÉTERNITÉ NE SE PROLONGE PAS. ELLE EST. 

    En conclusion, si nous sommes contraints de mourir, quand sonne l’heure de la désintégration biologique, c’est parce que nous n’avons pas su mourir à chaque instant de notre vie, parce que, toute notre vie durant, nous sommes restés empêtrés dans le conflit entre la mort et la vie, sans parvenir à le dépasser en perdant le sens et la soif de notre continuité personnelle… 

    Si nous ne parvenons pas à vivre au-delà du temps, alors inutile de pratiquer l’alchimie, car le résultat du grand œuvre ne s’obtient pas si nous n’avons pas appris à nous détacher de l’écoulement du temps, si nous n’apprenons à vivre dans l’éternel présent. Voilà pourquoi la réussite du grand œuvre est un don de Dieu. Car c’est lui qui fait pour nous la moitié du chemin en nous menant de l’éternité à l’immortalité. 

    Nous n’avons qu’à sortir de nos cycles infernaux de perpétuels recommencements… L’immortalité est à la porte de l’éternité, mais entre nous et cette porte, nous avons à rompre l’écoulement illusoire du temps qui crée la continuité et la répétition, cette répétition qui donna naissance,— à l’image de notre manière d’être — aux « réincarnation » sans horizon. 

    Apprenons donc à nous réveiller chaque matin dans un jour nouveau et ainsi le vieil homme perdra peu à peu sa défroque pour notre plus grand bonheur. 

    Avec toute mon amitié, je vous souhaite un soleil nouveau chaque jour de votre vie. 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Alain B.
    Lundi 2 Septembre 2013 à 16:21

    Bonjour Léon,


    Je vous remercie pour cette article des plus encourageante, le cycle infernal...


    Depuis la lecture de la ressurection de Lazare, celle de votre interprétation donc me savoir VIVANT ( du moins ce que j'en fait de ma propre interprétation), je pratique le fait de l'être et ce en Christ, ce n'est toutefois pas évident car après plusieurs années a ce faire dire que je dois mourir en Christ. Mais comment être mort quand nous le sommes déjà, je préfère de beaucoup d'être vivant et ainsi la chair devient moins lourde a porter et ce en toute espérance par l'ESPRIT de Christ.


    Merci Léon ,

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    2
    Lundi 2 Septembre 2013 à 18:40

    Bonjour Alain,

    Je suis heureux de savoir qu'il existe des vivants non endormis... Merci pour votre message.

    L. G.

    3
    Jeudi 19 Septembre 2013 à 15:10

    Ces nouveaux matérialistes que sont les transhumanistes (Google & co) rêvent aussi d' immortalité, mais leur éternité ne sent pas la rose !

    Bien à vous,

    4
    Jeudi 19 Septembre 2013 à 15:26

    l'immortalité électronique provoque des orages... Tôt ou tard nous aurons un court circuit !

    Bien à vous.

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