• ÉQUERRE & COMPAS des Francs-maçons & L’O D’ODILE

    ÉQUERRE & COMPAS des Francs-maçons & L’O D’ODILE

     

    Ruelle de l'or à Prague ou logeaient les alchimistes

    Si les Franc-maçon actuels mènent leur vie et leurs « initiations » à leur manière selon les aléas des pressions philosophiques et politico-spirituelle du moment, leurs concepts sont ce qu’ils sont. Cet aspect n’est pas au cœur de mon propos.

    La Franc-maçonnerie – indépendamment des individus qui disent la constituer actuellement et depuis sa réforme du XVIIIe siècle – m’intéresse car elle reste immuable et prend ses racines dans le néolithique des pêcheurs-cueilleurs et peut-être même dans le paléolithique. Cette civilisation de la pierre taillée, ou des tailleurs de pierre, donna naissance mystérieusement aux plus anciennes civilisations.

    Cet aspect échappe à la maçonnerie moderne qui établit ses fondements au XVIIIe siècle seulement en faisant table-rase du passé dans sa dimension spirituelle et initiatique directement issues, non pas d’un clergé mais de l’enseignement verbal du Christ lui-même. C’est cette particularité qui fit écrire à saint Jean, en conclusion de son Evangile, les lignes significatives suivantes :

    « Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses ; et si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde même pût contenir les livre qu’on écrirait. »

    J’ignore si le Christ fit un discours sur l’équerre et le compas, mais à coup sur, sur leur signification profonde, rejoignant ainsi les préoccupations de « l’alchimiste de Bethléem – écrit Eugène Canseliet (disciple de Fulcanelli) à la page 159 de son ouvrage L’alchimie expliquée sur ses textes classiques – qui proposa l’arcane à ses disciples, en les identifiant avec la lumière du monde et le sel qui, malgré toute apparence, n’est évidemment pas le chlorure de sodium utilisé pour la cuisine :

    Vous êtes le sel de la terre. Car si le sel perdait sa force, avec quoi le salerait-on ? Il ne vaut rien de plus que d’être jeté et foulé aux pieds par les hommes. (Mathieu, V, 13)

    La parabole magistrale est reprise par Marc et Luc qui, lui, la ponctua de la remarque fameuse et familière aux Evangiles :

    Qui à des oreilles pour entendre, entende. (Luc XIV, 34)

    En maçonnerie l’équerre et le compas sont deux éléments scellés qui symbolisent à eux seul la maçonnerie. Toujours collés ensemble, comme l’est en alchimie le soufre et le mercure, le troisième élément salin que l’on doit s’attendre à découvrir (à l’instar des trois points) est invisible comme l’est le sel de la terre encore appelé pertinemment  médium, cette lumière du monde qui surgit chaque matin à l’orient dans la lumière du soleil levant, telle est la raison pour laquelle chaque prêtre disait sa messe matinale face au lever de l’astre…

    L’équerre et le compas caractérisent, lorsqu’ils sont ensemble et disposés l’un sur l’autre, les outils privilégiés des Francs-maçons. Depuis l’aube de la maçonnerie moderne, au début du XVIIIe siècle,  ces deux outils sont étudiés symboliquement. Leurs diverses dispositions : l’équerre sur le compas, l’équerre et le compas entrecroisés, et le compas sur l’équerre, caractérise les trois premiers grades qui sont celui d’apprenti (équerre sur le compas), de Compagnon (équerre et compas entrecroisés) et de Maitre (le compas sur l’équerre).

    Disposition de l’équerre et du compas d’après Jules Boucher in La symbolique Maçonnique.

    Les différents auteurs s’accordent pour que ces symboles soient aussi anciens que la maçonnerie elle-même.

    Cependant un malaise surgit à propos d’une représentation des plus anciennes de ces deux instruments dans une  gravure ovoïde illustrant le fameux Traité de l’Azoth du moine alchimiste Bazille Valentin.

    Disons en passant que la pierre philosophale des alchimistes est appelée Œuf, ce qui justifie cette forme de la gravure qui peut se tracer avec le compas.

    Le problème le voici :

    Dans un œuf[1], est une représentation du corps double à double tête ou REBIS, qui tient dans la main droite un compas et la main gauche une équerre.

    Je souligne en passant qu’il est une correspondance liée à l’omniscience des Adeptes qui sont des êtres en voie de transformation, de métamorphose. En effet, les progrès des neurosciences depuis les années 1970 ont permis de montrer que l’encéphale cérébral gauche (main gauche tenant l’équerre) caractérise essentiellement les particularités intellectuelles, rationnelle de notre intelligence.

    Le mot équerre est significatif puisqu’il vient du latin quadrare, « rendre carré ». Le raisonnement de  l’encéphale cérébral gauche est bien « à l’équerre ». Son intelligence est « carré » c'est-à-dire bien structurée, rigoureuse.

    L’encéphale cérébral droit est représenté par la main droite tenant le compas. Cet encéphale est pourvu d’une ouverture d’esprit sans égale qui lui permet d’accéder à la créativité, à l’intuition et la mystique et finalement à la connaissance et à la sagesse.

    « Le compas symbolise, dit fort justement Jules Boucher dans La symbolique maçonnique, L’esprit et l’équerre la matière » p.8 Edition 1948.

    Cela est en total accord avec ce que je viens de dire car l’encéphale cérébral droit avec le compas est bien « spirituel » et le gauche « matériel ».

    Une interrogation ne manque pas de surgir quand on sait que la gravure précédente date de 1659 pour Jules Boucher et pour Oswald Wirth. Cette date est fausse puisque cette gravure fut d’abord recopiée en 1624, d’un texte plus ancien, par Daniel Stolcius en son Vivarium chimicum Qui est un recueil de séquences iconographiques tirée des traités classiques les plus réputés.  Ce livre reproduit donc une image paru des dizaines d’années auparavant.

    L’auteur, Basile Valentin, serait né en 1394 ce qui lui fait écrire son traité de l’Azoth au milieu, du 15e siècle.

    Oswald Wirth qui ne tolère pas que l’alchimie au laboratoire (non sérieuse pour lui) puisse exister écrit sans ciller :

    « On est surpris de rencontrer ces emblèmes capitaux de l’art royal dans un opuscule qui prétend enseigner « le moyen de faire l’or caché des philosophes » et dont l’auteur vivait à une époque de beaucoup antérieure à la renaissance de la Franc-maçonneries moderne. » p.99 in Le symbolisme hermétique.

    Que de sous entendus dans ce court extrait ! « Un opuscule qui prétend… » classe le grands Basile Valentin, l’auteur de la fameuse devise V.I.T.R.I.O.L.[2] que le futur Franc-maçon doit méditer dans le « cabinet de réflexion », aux rangs des prétentieux… pour les certitudes d’Oswald.

    Deuxième point d’irritation : comment l’équerre et le compas ont-il pu exister, dans un ouvrage d’alchimie (hérétique pour Oswal) avant la Franc-maçonnerie moderne de… 1717 qui renierait (toujours d’après Oswald) l’alchimie au laboratoire ! Certes c’est une date arbitraire mais la vraie maçonnerie, celle des adeptes qui œuvraient au fourneau est bien antérieure et fut tout bonnement exclue à cette date. C’est l’une des la particularités de la maçonnerie moderne.

    D’ailleurs pour se convaincre de la nécessité du laboratoire il suffit de suivre les Adeptes de ces époques (XVIe siècle, XVIIe siècle et XVIIIe siècle) qui transmutèrent à travers l’Europe, dont la plus célèbre et impossible à critiquer est celle effectuée en 1666 par Helvétius médecin, à la Haye, du prince d’orange et qui laisse coi les historiens.

    Alors une question se pose : la maçonnerie moderne est-elle légitime ? Est-elle en droite ligne de celle qui fleurissait avant 1717 et qui avait de forte chance d’être chrétienne, mystique et alchimique?

    Personnellement, avec la connaissance que j’ai de la fraternité des trois points, je tends (sans aucune animosité) à situer la maçonnerie actuelle à proximité de la philosophie du « Nouvel âge » et de celle du « développement personnel ». C’est, pour l’instant, mon opinion qui vaut ce qu’elle vaut.

    De grâce n’allez pas chercher des diplômes et certificats au fond de vos tiroirs. La légitimité sur le plan spirituel se mesure à l’aune de la sagesse acquise par une solide formation mystique et pratique au sein des loges ou de tout autre lieu.

    A vous de juger si les spéculations symboliques intellectuelles et les discours accompagnés de bonnes intentions font grandir au point de faire accéder à l’éveil ou à la libération dont parlent tout les spirituels du monde entier.

    Il est incontestable que la franc-maçonnerie avant 1717 était différente, pensait autrement. La preuve en est la gravure ci-dessus qui semble s’égarer (pour O. Wirth et la majorité des maçons actuels) dans un laboratoire de misérable faiseur d’or !

    Mais tous les Francs Maçons ne pensent pas de la sorte. Ainsi Jules Boucher se garde bien d’aller dans le même sens qu’Oswald Wirth. Il se contente de signaler que la gravure ovoïde de Basile Valentin est antérieure à la date admise pour la création de la Franc Maçonnerie moderne de 1717.

    Il y a une raison à cela, c’est qu’il était ami de Fulcanelli. Il pratiquait l’alchimie et œuvrait au laboratoire. Yves Artéro dans son remarquable blog sur Julien Champagne le démontre sans ambages.

    Remerciement, pour ce document, à Yves Artéro. Blog Julien Champagne in Champagne et Jules Boucher. http://www.archerjulienchampagne.com/

    Ce faisant Jules Boucher s’inscrit à contrario des concepts alchimiques généraux de la Franc Maçonnerie et plus particulièrement de la philosophie de René Guénon.

    Pourtant Boucher à su rédiger un ouvrage remarquable (La symbolique maçonnique) sur la Maçonnerie qui fait encore autorité depuis 1948. Il est très dommage qu’il n’a pu parler librement de l’alchimie sans prendre le risque d’être discrédité par ses frères en tablier fervent adeptes d’une alchimie psycho-spirituelle. Pour les « alchimistes » disciple de C. G. Jung ou adorateur de René Guénon ou encore d’Oswald Wirth il est impossible à faire entendre quoi que ce soit sur l’alchimie au laboratoire.

    Revenons donc à l’équerre et au compas superposés qui caractérise l’apprenti quand l’équerre est sous le compas. L’interprétation alchimique est que la matière masque l’esprit. L’apprenti se doit donc d’apprendre à découvrir l’existence de l’esprit dans toutes matières non seulement en l’homme mais aussi en toutes substances. Pour y parvenir, en lui-même, l’école initiatique y pourvoi par des exercices particuliers accompagnés d’une théorie logique et adaptée qui n’existe plus en maçonnerie.

    Pour apprendre à découvrir l’esprit en la matière Fulcanelli s’y évertue en ses Demeures Philosophales. L’index du livre permet de découvrit les multiples pages qui lui sont consacrées.

    Quand l’équerre et le compas sont entrecroisés pour désigner le Compagnon. C’est là une ouverture, une prise de conscience. Au laboratoire cela se manifeste par la couleur verte :

    « En ces instants, l’alchimiste affermit son accession ; il est entré dans le domaine transcendant, dont nul ne prend soucis à l’ordinaire. Non seulement il sait désormais que l’esprit du cosmos est de couleur verte, mais encore il a vérifié que l’insaisissable agent de la vie se montre néanmoins pondérable et, conséquemment, de matérielle gravité. » Eugène Canseliet in L’alchimie expliquée sur ses textes classiques. P200. Editions J. J. Pauvert. 1972.

    Quand le compas est au-dessus de l’équerre correspondant au grade de maître, l’esprit domine la matière. L’adepte sait ce qu’est l’esprit, ou « lumière du monde » et réalise alors que l’œuvre au laboratoire est plus spirituelle que la méditation à l’oratoire. Certes, l’un ne va pas sans l’autre. Le but de l’oratoire est de préparer l’adepte à acquérir la pureté nécessaire pour pouvoir côtoyer l’esprit.

    Car l’esprit peut tout. Alors les transmutations d’où peuvent-elle venir ? La vie d’où sort-elle ?

    Quand on a saisi cela et qu’on pratique au laboratoire l’esprit prend tout son sens. Il est au-dessus de tout comme le compas (Esprit) est au-dessus de l’équerre (matière).

    Alors comprenons une foi pour toute que l’esprit scientifique ne peut, pour l’instant, rien comprendre à l’alchimie pas plus que l’esprit des spéculatifs et celui des dogmatiques qu’ils soient politique, scientifique ou religieux. Pour tous ceux-là l’alchimie ne peut qu’être hérétique.  

    Je vous laisse méditer sur le compas et le cercle d’Odile En n’oubliant pas que l’eau est notre mère à tous.  

    Avec toute mon amitié.

     

     

     


    [1] Les sept antiennes qui se chantent pendant sept jours du 17 au 23 décembre servent comme introduction solennelle à la fête de Noël. Elles commencent toutes par l'interjection O. Elles datent du VI° siècle : O Sagesse; O Adonaï et Chef de la maison d'Israël ; O Rejeton de Jessé ; O Clef de la maison de David; O Orient ; O Roi des nations ; O Emmanuel. Elles glorifient le ventre rond de la Vierge qui va enfanter. De ce fait les Odile (« fille de la lumière ») héritent des mêmes prérogatives (exaltées sur le plan de la créativité et de la mystique dont sainte Odile est la plus illustre représentante. Evidemment cela reste lettre morte s’il n’y a pas un désir d’aller dans ce sens. 

    [2] V.I.T.R.I.O.L. sont les initiales de l’expression latine : Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultem Lapidem = Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. Oswald Wrih en donne une interprétation lourdement prisonnière de ses idées préconçues. Ses certitudes le pousse à dire des âneries : « Cette pierre est un symbole essentiellement maçonnique, et il semble que les alchimistes en ait primitivement emprunté l’emblème aux initiés constructeurs. Une pierre n’est pas normalement à sa place dans un symbolisme de métallurgiste… » L’alchimie une métallurgie alors que c’est une biologie ! Et la médecine, ou pierre philosophale réduite à une purification de l’homme sur le plan moral ! Mesurons la dégradation de la Noble Science entre les mains de spéculateur, ce qui justifie amplement sa protection par le secret.

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  • Commentaires

    1
    Duc
    Dimanche 2 Novembre 2014 à 12:12

    Bien difficile de construire sans un juste équilibre des forces en présence Esprit et Matière , le niveau que l'on doit tenir à deux mains oblige à l'utilisation des deux hémisphères cérébraux. Amitiés

    2
    Dimanche 2 Novembre 2014 à 12:19

    En effet, l'équilebre entre droite et gauche est difficile à tenir pour ne pas dire impossible si l'on n'est pas formé. Les écoles initiatiques servaient à cela. Seul on recherche louablement la perfection mais tôt ou tard on donne raison à l'adage: "Qui veut faire l'ange fait la bête".

    Amitiés.

    3
    Valérie
    Mardi 5 Juillet 2016 à 12:52
    Valérie

    Bonjour Léon,

    J'ai cru comprendre  que vous rédigiez un livre, j'espère que tout se passe bien pour vous.

    Je veux bien méditer, mais je viens de me mélangez ci-dessus les angles et les courbes : Je lis " Revenons-donc à l'équerre et au compas superposés qui caractérise l'apprenti quand l'équerre est sous le compas", mais ... le grade d'apprenti, dites-vous plus haut, avant la figure,  c'est quand l'equerre est sur le compas "....

    Alors quand ensuite vous parlez du compas au dessus de l'équerre (grade de maître), cela m'a fait un joli jeu d'optique à effet de miroir inversé !

      Au plaisir de vous lire,

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